A PALéO, ON A CAUSé AVEC LE SUISSE QUI A RAFLé UN NRJ MUSIC AWARD

Jeudi, 15h20. Je suis pile à l'heure pour rencontrer Nuit Incolore, le Valaisan de 23 ans qui a été sacré «Révélation francophone de l'année» aux NRJ Music Awards, et qui ne cesse de grimper dans les charts, comme dans les cœurs.

C'est le cagnard à Paléo, en ce jeudi de fin d'après-midi. Il est près de 18H. Toute une foule s'est pressée devant la scène Véga, pour le concert de Théo Marclay, ou Nuit Incolore de son nom d'artiste. Alors que la performance commence, le soleil rougit les nuques, faisant suinter les T-shirts et quelques humeurs. «Quelle chaleur, ma gueule», j'entends furtivement. Pourtant, l'inconfort est bien vite oublié. Sur scène, l'enfant chéri du Valais, courageusement vêtu d'un complet jeans-veston, défie l'écrasante chaleur qui s'abat sur la plaine de l'Asse. Il bondit d'un coin à l'autre du podium, sautille, et nous envoie une tonne d'énergie rafraichissante. Je ne me peux m'empêcher de penser au contraste de notre rencontre, voici une heure à peine. Celle-ci a duré 15 petites minutes, pendant lesquelles le chanteur de 23 ans, très posé, a répondu en toute franchise à quelques-unes de nos questions bien indiscrètes.

Interview

watson: Comment te définis-tu désormais...une star (clin d'oeil), un artiste?

Nuit Incolore: Une star, non! (rire) Je dirais un artiste en développement. Je vis certes de ma musique, mais je ne compte pas être millionnaire non plus... Je suis un peu comme un étudiant, mais un étudiant avec un très, très beau job d'été!

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C'est une très belle image!

Oui, quand je dis job d'été, c'est d'aller chanter sur des festivals, de se produire en concert, et de créer des musiques dans sa chambre...J'ai gardé ce côté très étudiant, et je reste dans ma chambre pour faire des chansons.

Tu as imaginé un jour que tu serais artiste?

Non, je voulais être prof de musique, de base. Et c'est lors du confinement, en 2020, que je recherchais un exutoire. J'ai eu envie d'archiver mes pensées, un peu comme un journal intime. J'en ai fait des petites chansons. Je les ai postées sur différentes plateformes comme Spotify, mais je n'en ai pas vraiment fait de promotion. Je les ai aussi placées sur TikTok et Instagram pour mes potes et mes proches. Et ça a pris de l'ampleur. De base, je voulais les montrer à ma potentielle descendance, en mode «regardez ce que papa faisait».

Et ensuite?En 2020, après avoir posté mes sons, j'ai été abordé par une maison de disques, qui est toujours la mienne à l'heure actuelle. C'est une maison très cool, ils sont assez indépendants.

«Pour ma maison de disques, pour le dire de façon rude, c'est l'artiste avant la thune»

Ils prennent soin de leurs artistes. C'est vraiment là que mon activité est passée de passion à métier.

A quel moment tu t'es dit: «tiens, j'ai percé»?

Pas si facile à me rappeler du moment exact. Le titre Dépassé a plu à beaucoup de monde. C'était un extrait de 15 secondes, capturé à mon chalet. Dépassé a pris tellement d'ampleur que ça m'a donné du travail tout 2023. Puis j'ai été nommé aux NRJ Music Awards. Grâce à cette chanson, tout s'est accéléré, je fais beaucoup plus de concerts.

Notre portrait de Nuit Incolore
Vidéo: watson

En effet, en novembre 2023, tu as été sacré «Révélation francophone de l'année» aux NRJ Music Awards. Comment ça se passe pour rentrer dans ce processus?

Ce sont eux, les NRJ Music Awards, qui nomment les artistes. C'est ma maison de disques qui m'a annoncé cette incroyable nouvelle.

Tu y as fait de belles rencontres?

Oui, de belles rencontres, comme Joseph Kamel ou Bianca Costa. On est tous un peu des artistes en développement, et on se voit souvent, que ce soit en radio, en concert, ou en festival. Se retrouver tous ensemble dans un grand événement, c'est cool, ça montre qu'on est de petits jeunes qui font de la musique...mais que c'est du sérieux!

Tu as fait un featuring et tu as assuré une première partie du célèbre groupe Kyo, comment cet échange s'est créé?

Ce featuring s'est fait via ma maison de disques, ou plutôt à travers des contacts. On a fait un apéro sur une terrasse tous ensemble et on s'est tellement bien entendus que je les ai invités sur mon album. Eux m'ont invité sur leur réédition, un remake, de leur titre Je cours. Pour leur première partie, j'étais en pleine tournée de concerts, mais ce sont devenus des potes, alors je me suis arrangé. C'était très enrichissant.

Je cours, de Kyo, avec Nuit Incolore:
Vidéo: YouTube/KyoVEVO

Tu as commencé dans ta chambre. A quoi doit-on penser pour aboutir à un concert intégral? Equipe, scène, tenues; qu'est-ce que tu as dû gérer?

C'est un apprentissage. J'ai commencé à la Japan Expo à faire des concerts devant des centaines de personnes.

«Au début, je ne savais pas vraiment chanter»

Je n'avais pas encore pris de cours de chant, ou quoi que ce soit. Mais plus tu fais de concerts, plus tu t'améliores. Après de nombreuses performances, je me sens prêt à faire ces festivals, et surtout à faire Paléo. En fait, ce qui change pour les concerts, c'est qu'il faut juste être prêt. La rigueur...et prendre des cours de chant, également.

Tu es adopté, qu'est-ce que ça fait d'être reconnu dans ton propre pays d'adoption?

C'est une bonne question. Se dire qu'on représente la musique francophone suisse, mais avec un visage qui n'est pas d'ici, ça peut donner lieu à quelques controverses sur les réseaux. Pour le public, ce peut être un peu complexe à comprendre.

Explique-nous cela...

Je trouve beau de pouvoir créer de belles choses avec rien du tout. Quand je dis «rien du tout», je sous-entends mes interrogations, le fait de ne pas savoir d'où l'on vient, ou de qui on vient. Et de pouvoir faire de la musique à partir de là, c'est une belle chose.

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Je vois. Le passé, c'est marquant, mais pas déterminant...

Ce passé a forgé ma mentalité, notamment à l'école, quand les regards étaient un peu différents. Quand on grandit, on se dit: «ah, c'est donc ça, un peu, le racisme»...

Tu l'as vécu, le racisme, à l'école?

Je pense que je l'ai banalisé, et j'ai un peu tout oublié. Mais j'ai également l'impression que le racisme en Suisse est bien moins fort que dans certains pays. Je me rappelle des brimades, bien sûr.

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Chanter, pour toi, c'était un peu un exutoire?

Mes textes ne sont pas tous axés sur l'adoption, loin de là. Mais ça a joué un rôle, bien sûr. Sur certaines chansons, comme Loin, je laisse place au rêve, j'y parle à un double fictif, qui est resté au Vietnam. C'est un texte plein d'interrogations.

Tes parents d'origine, tu les as rencontrés?

Non, et honnêtement... je préfère vivre avec ce mystère toute ma vie.

Merci pour tes beaux mots, Nuit Incolore!​

Notre portrait de Nuit Incolore
Vidéo: watson
Les prochaines dates suisses de Nuit Incolore: ​

- Le 1er septembre au festival Les Francomanias, à Bulle.

- Le 2 novembre, à L'Alhambra, à Genève.

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