AVEC «ROAD HOUSE», CONOR MCGREGOR INCARNE UN CINéMA QUI SE PROSTITUE

Le combattant de MMA est à l'affiche de Road House, un film de Doug Liman qui cartonne sur Prime Video. Mais si l'Irlandais fait du Conor McGregor au moment du clap sur le plateau, il demeure un symptôme du remplacement des acteurs par des amuseurs aux millions de fans virtuels.

Road House, sucé de Road House millésime 1989, et porté par un Patrick Swayze coiffé d'un mulet de compétition, cartonne et s'est emparé de la tête du classement des contenus les plus visionnés sur la plateforme Prime Video. Jake Gyllenhaal y tient le rôle principal, celui de Dalton, un videur dans les Keys (Floride) au passé trouble de combattant de MMA. Il partage l'affiche avec Conor McGregor, véritable combattant sur les rings de MMA.

Si la qualité du film est très discutable, lorgnant sur un genre de John Wick du pauvre, il n'est pas question de l'oeuvre ou d'un Jake Gyllenhaal qui semble ne pas croire à son personnage de roi de la castagne, mais plutôt de choix de casting - ou plutôt d'erreur de casting. Pour coller au mieux à la réalité des bastons, Doug Liman a opté pour le cas Conor McGregor, le seul, l'unique, «The Notorious» de son surnom.

Conor McGregor accusé de viol pendant une finale de NBA

Figure controversée, haïe ou adorée, le combattant de MMA n'est pas réputé pour ses qualités d'acteur, puisqu'il n'est pas un acteur. Son jeu est aussi plat qu'une assiette de spaghettis à la sauce tomate. Il est difficile de voir un amuseur des rings se glisser dans un rôle et d'embrasser le métier d'équilibriste qu'est celui d'acteur. Quand on joue la comédie, il ne s'agit pas de jouer à soi, mais bien de composer un personnage.

Symptôme d'une industrie qui compte sur les abonnés

Road House n'offrait pas le terrain le plus propice pour parfaire ses talents (bien cachés) de comédien: le film frise parfois avec le divertissement de série Z. Les nombreux parpaings, les clés de bras, ce n'est que de la tambouille, que de la technique pour tenter de muscler une bobine coupable d'une écriture inexistante, bête, presque désincarnée. Une image qui colle aux déambulations testostéronées de l'Irlandais - son entrée en scène est guignolesque.

Son arrivée dans le septième art est un symptôme du cinéma actuel, une industrie qui désire miser sur un produit marketing plutôt que s'affairer à torcher un bon film. La platitude du jeu de Conor McGregor et les paroles qui sortent de sa bouche conjuguent le vide (gageons que ce n'est pas de sa faute) ; elles l'enfoncent un peu plus dans cette posture de panneau publicitaire ambulant.

Conor McGregor n'est qu'un symptôme et Road House (avec son costume de remake d'un film culte et ringard à la fois), l'illustration d'un produit marketé pour assoir les fadas de bastons devant leur petit écran. Il serait bête de ne pas arracher les fans du boxeur irlandais à leur passion dévorante pour les arts martiaux mixtes. Les près de 50 millions d'abonnés sur Instagram (47,3 millions pour être précis) de McGregor sont une manne très, très intéressante pour les producteurs.

En embauchant le bonhomme, la recette semble fonctionner si on se réfère à la place de numéro 1 sur la plateforme d'Amazon. Pour les cinéphiles, le marketing a pris le dessus sur la qualité, remplaçant peut-être un acteur qui aurait insufflé une autre saveur à l'ennemi de Dalton.

Or le cas McGregor peut être opposé à de nombreux athlètes qui ont trouvé chaussure à leur pied devant la caméra. La mutation a fonctionné pour Eric Cantona, Dwayne Johnson (qui s'enferme dans les mêmes rôles depuis son début de carrière), John Cena pour ne citer qu'eux. Et encore, leur registre reste très limité.

Les Youtubeurs sont en burn-out

D'autres n'y arrivent tout simplement pas. Citons Cara Delevingne, propulsée par sa hype: la top modèle n'a jamais réussi à convaincre le milieu. Jouer un rôle, l'incarner, c'est une autre paire de manches que de défiler ou faire des figures sur un ring.

Léna Situations, autre symptôme

Un cas qui fait également écho en dehors des plateaux de cinéma, comme l'a fait Canal+ lors des Césars. En remplaçant des journalistes rompus à la tâche, la chaîne cryptée a posté Léna Situations, la célèbre créatrice de contenu (2,7 millions sur Youtube et 4,5 millions sur Instagram), sur le tapis rouge pour questionner des stars. Des utilisateurs de X s'étaient plaints de ce «remplacement», pour laisser la place à une star des réseaux sociaux.

L'émergence de ces vedettes du virtuel, gonflées par des communautés d'abonnés, révèle une industrie du divertissement transformée en vampire assoiffé, qui court derrière les phénomènes et condamne le talent des apprentis acteurs sur l'autel des followers. Les exemples de Léna Situations et Conor McGregor pourraient faire réfléchir: ces deux-là remplacent les professionnels, non pas par leur talent, mais grâce à leur armada de suiveurs virtuels.

Road House - Bande-annonce

Vidéo: watson

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