EMMANUEL BAUD, UN ARTISTE QUI NE CRAINT PAS LE TRAVAIL

Les signaux d’alerte viennent de partout, il faut aller voir la proposition de ce surprenant artiste à la salle Perrier. Mais vite: l’exposition se termine le 16 mai.

Le jour, à 100%, Emmanuel Baud travaille pour le Service des écoles de la Ville de Lausanne. À côté, artiste, il n’a aucune crainte de la folie des grandeurs. Il faut dire que l’homme qui n’a pas l’air perdu dans les hauteurs de la salle Perrier des architectes de Pont12 à Chavannes-près-Renens, n’est pas vraiment dans la mesure standard. «Il y a peut-être un lien de cause à effet», rigole-t-il.

Mais il est surtout un monstre de sincérité et de créativité, affamé de travail, qui ne craint ni de le dire, ni de vanter cette vertu… également artistique. Rien qu’en chiffres, il a compté six jours pour assembler 2000 baguettes d’épicéa d’un mètre de long et former une sphère de l’impossible de 4,20 mètres de diamètre pour 600 kilos de masse.

«On a un peu transpiré sur les calculs, c’est vrai! Mais au montage, alors que j’étais à l’intérieur, le lien avec cet enchevêtrement anarchique est devenu plus neuronal. J’ai aimé. Et aussi prévenu mes amis au «trempouillage» de la toile de jute et au collage des lattes que si on entendait le moindre bruit bizarre, il fallait se tailler.» La poésie l’a emporté et, dans la salle Perrier, trônent donc deux colosses sphériques. Ou faut-il dire chimères? Symboles?

Éclosions de milliers de possibles, ces sphères attisent les sens, l’olfactif y compris, avec ce bois des forêts de Baulmes, préparé par un scieur de Fiez, qui a conservé ses senteurs. Guide disert mais subtil, Emmanuel Baud se contente de tracer les grandes lignes. «Ce que j’ai aimé raconter comme histoire, c’est celle de deux planètes ou alors de deux étoiles. Ou peut-être encore, celle des signes du zodiaque.»

Mi-réels, mi-imaginaires, les animaux qui gambadent sur les murs charrient d’autres inspirations encore. Celles des peintures de Lascaux, des débuts de la représentation, de l’origine de l’art… Une fois encore, joueur ou généreux, ou les deux, l’artiste laisse le choix à travers une réponse qui ne répond pas.

«Au début, je pensais tracer ces animaux directement sur les parois, j’ai fait un essai peu concluant. Ce qui fait que j’ai repris l’idée de dessiner sur des bandes de papier collées ensemble, ce que j’avais précédemment fait dans une exposition à La Pharmacie (ndlr: du Valentin à Lausanne, reprise à l’origine avec l’un de ses amis pour la faire vivre en espace d’art).»

Les assemblages. Les liens. La continuité. La tension est permanente dans cette installation. On ne peut pas dire exposition parce qu’elle n’expose pas. Mieux: éphémère, elle invite l’esprit à se balader, tout simplement, pour le laisser vivre hors de tout formalisme, carcans et autres finalités. Sensible à cette conjonction où sculptures et dessins, tour à tour graphiques, pariétaux ou alors cartoonesques, intriguent tous ensemble aimantés par une douce sauvagerie. Cette liberté qui caractérise l’artiste!

Du kirsch à Renens

Né à Fougerolles, «capitale du kirsch», précise-t-il, Emmanuel Baud n’a pas toujours osé croire à ce dessein «si lointain» de son milieu familial. «J’ai commencé par tailler du caillou, enchaîne-t-il, j’avais 20 ans.»

Il a aussi bourlingué, fait la route pour rentrer en Franche-Comté sur un vélo russe acheté en Serbie, exploré nombre de bibliothèques universitaires, cousu des chaussons de danse pour la Royal Academy et l’Opéra à Londres, bossé dans des distilleries en Australie et en Nouvelle-Zélande, appris l’art industriel du bois et… fait les Beaux-Arts à Nancy. «Cinq ans totalement magiques: ça m’a ancré.» Comme la Suisse, racine de sa grand-mère fribourgeoise et déclic d’un désir de rester quelque part. Il y vit depuis quinze ans.

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