IL EST TEMPS QU'ON VOUS AVOUE CE QU'ON FAIT VRAIMENT à PALéO

Paléo, pour un journaliste? C'est passer son temps à se plaindre que c'est quand même pas facile d'enchaîner l'interview de Julian Marley, la critique du concert, tout en picolant en notes de frais. Immersion dans un monde de grandes gueules fragiles (mais attachantes).

Notre chronique «Le Montreux Jazz Paléo ne dort jamais»

On prend les mêmes et on recommence. Pendant le Jazz, on vous a exposé notre regard, souvent cynique, parfois euphorique d'un festivalier privilégié; nos coups de cœur et nos péripéties teintées de gueule de bois et de crise de foie. Paléo oblige, on a remis ça.

«Tu fais toute la semaine? Rhôô courage, allez bisous, on se croise devant Hoshi.» Oui, c'est vrai qu'il en faut du courage pour bosser sur la terrasse de l'espace presse, une bière à la main, sur fond de sound checks. Etre un journaliste qui couvre les festivals, va voir des concerts gratos, passe son temps à lever le coude, ne paie pas sa bouffe (il faut que je fasse mes notes de frais, tiens): en voilà un métier difficile.

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«Soirée VIP au Jazz? On m’avait promis Monaco, c’était Moudon»

Pendant que mes amis (les vrais, pas ceux avec qui je fais santé au bar des artistes) se saignent pour acheter leurs billets, avec un confrère, on se balade, une accréditation au poignet. Sorte de bracelet magique, gratuit (et nominatif, pas la peine de demander, je prête pas) qui permet d'aller se réfugier au bar du Cosmo, derrière le Club Tent, quand on en a marre de la foule. Le Cosmo, non...?

«Le fils de Bob, quoi»

Posée à l'espace presse avec une bière, car il est tout de même déjà 16 heures 10, je bosse sur un montage vidéo pour montrer à tous ceux qui n'ont pas réussi à avoir de billets à quoi ressemble le festival cette année.

Ce lieu fourmille de journalistes mi-excités, mi-crevés, dans un incertain fumet de transpiration et de cigarettes. On y croise aussi des ingés son, des stagiaires maltraités et quelques pontes des médias venus se montrer. Certains d'entre eux n'ont d'ailleurs absolument pas envie d'être là, et viennent uniquement pour se refaire inviter l'année suivante. On aime les paradoxes ici.

«Coucou, ça va? On a eu Julian Marley tout à l'heure, ça sentait trop la weed... Et toi t'es sur quoi?»

- Un confrère. -

«En même temps, c'est le fils de Bob...» Oui, voilà, faisons comme si on avait personnellement connu Bob. D'ailleurs, n'hésitons pas à appeler les morts qui ont vendu des millions de disques par leur prénom, tiens.

«Bon, champagne?»

Celui avec qui je partage une table a fini sa bière. «Faut qu’on aille au bar à champagne, il y a trop de monde ici, ça me saoule.» A la louche, on est à peu près six sur une terrasse de 100 mètres carrés. J'hésite. «Vas-y meuf, je fais une note de frais.» Bon d'accord. Journaliste ascendant pique-assiette.

On y croise quelques têtes connues, mais on ne citera pas de nom, car elles sont là «pour le plaisir, pas pour le boulot». C'est bien vu d'aller errer du côté du bar à champagne pour passer incognito.

«La société est oppressante»

- Deux journalistes privilégiés s'enfilant du champagne. -

Une bouteille en note de frais et quelques affirmations hors-sol plus tard (un «rien n’a de sens, c’est ce qui fait la beauté et la vanité de cette vie» a notamment été balancé comme s'il s'agissait d'une phrase normale à dire à Paléo), il est temps de se remettre au travail. «On se croise devant Hoshi? A toute.»

Travailler, c'est dur

Il est 18 heures et des poussières (comme celle qui orne mes godasses et mon œil gauche), les festivaliers, dont quelques-uns de mes amis, arrivent en nombre.

«Tu nous rejoins vers La Ruche?»

- Le WhatsApp d'une amie. -

Non, je dois travailler pour de vrai, je suis sur un sujet dans le camping. Là encore, il s'agira de montrer à ceux qui n'ont pas pu venir à Paléo comment ça se passe à Paléo. Comment le sauraient-ils, sinon, sans ces reportages vidéo de qualité qui n'apporteront rien au débat public et nous feront gagner environ zéro Prix Pulitzer?

Bosser, définition 👇🏽
Vidéo: watson

Allez, on a bien bossé, bien cramé au soleil (c'est dur d'être journaliste, je vous l'ai dit ou pas?) c'est fini pour aujourd'hui. «Vous êtes toujours à La Ruche? On se retrouve devant Hoshi?»

Une dernière pour la route

Après un passage à Hoshi pour retrouver à peu près toute la Terre (sauf ceux qui n'ont pas eu de billets, encore eux), il est re-re-re-re temps de boire une mousse entre collègues. «Viens, on va se poser cinq minutes à l'espace presse, flemme de trimballer mon sac dans la foule à Calogero. Et flemme d'aller dans la foule tout court.» Un endroit où collègues et confrères se croisent en se filant des coups de main et des coups de pute.

«Mais noooon tu savais pas? Il s'est fait virer. Il dit que c'était un licenciement économique, mais en vrai, je crois que c'est une histoire de vols dans les casiers... Ouais je te jure»

- Un groupe de gens qui bossent dur. -

Siroter une bière au milieu de cette fourmilière, c'est aussi l'occasion de se tenir informés des derniers scandales. «Rhôôô ça m'étonne pas, on a toujours dit qu'il était chelou...» Bonne ambiance. Les journalistes, ces grandes gueules un brin fragiles. Et pragmatiques. «Je vais me reprendre une bière avant d'écrire l'interview de Julian Marley, tu veux quelque chose?»

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Le Montreux Jazz 2024, en images:

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