KENDJI GIRAC: PERSONNE NE PEUT éCHAPPER AU SYNDROME NETFLIX

Un chanteur au bonheur apparent, un semi-automatique Remington 1911, une Porsche Cayenne, une nuit floue, de l'alcool, de la drogue, un couple, une smala, une communauté stigmatisée, un procureur très bavard. A notre époque, celle des true stories, et des biopics, la machine à scénarios s'emballerait pour moins que ça. Inquiétant, mais il s'agit de s'y faire.

Hier, c'était Pierre Palmade. Aujourd'hui, Kendji Girac. Depuis la nuit des temps, le fait divers n'a rien à envier à une mayonnaise maison. Les bons ingrédients et une tension constante suffisent à faire monter la sauce et nourrir le peuple. En 2024, peu de choses ont changé. Les true crimes ont remplacé Faites entrer l'accusé. Les biopics n'attendent plus la mort d'une personnalité pour lui injecter de la fiction. Des victimes de harcèlement incarnent leur propre rôle dans des séries. Des internautes pensent avoir le droit d'enquêter, de chasser, de pourchasser.

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En se réveillant aussi blessé que médiatisé, lundi matin sur son lit d'hôpital, Kendji Girac savait sans doute avant tout le monde qu'il venait d'enclencher la machine à scénarios. Que les ingrédients étaient déjà sur le plan de travail et que les personnages seraient plus vrais que nature. En s'emparant du récit, sans doute pensait-il aussi pouvoir freiner le stylo de millions de scénaristes du dimanche. Hélas pour lui, les blocs-notes furent dégainés bien avant qu'on en apprenne davantage. Pour une raison simple: le flingue, la star et la caravane permettaient déjà de broder cet espèce de résumé laconique que l'on retrouve quotidiennement sur Netflix.

«On dirait un film de Guy Ritchie»

- Entendu dans la rédaction de waston -

Hasard du calendrier, une série du cinéaste britannique trône en bonne place sur la plateforme de streaming depuis quelques semaines: The Gentlemen. Des aristos qui s'emmerdent, un drôle de business de cannabis, des flingues qui disparaissent, des comptes à régler, des gens du voyage. Une communauté stigmatisée, encerclée par les clichés et les fantasmes, que personne ne sait mieux filmer et faire exister que l'ami Guy Ritchie. Une communauté qui, à la moindre incursion dans l'actualité, va aimanter un racisme ordinaire qui dessert tout le monde, mais va servir l'écriture d'une odyssée humaine proprement inarrêtable.

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Rajoutez-y un chanteur très aimé et que l'on pensait heureux comme un éternel gosse, quelques zones d'ombre et autant d'incohérences, une Porsche Cayenne, de l'alcool, de la drogue et un couple manifestement épuisé, plus personne n'est en mesure de résister au récit. A ce point qu'il paraît inutile de blâmer BFMTV ou les réseaux sociaux pour nourrir la bête dans un feuilleton à plusieurs épisodes. L'histoire, forcément, s'écrit toute seule. Mais ce que l'on suivait passivement à l'époque est aujourd'hui empoigné par une opinion publique qui a le pouvoir d'influencer le scénario, quitte à déraper, diffamer, divaguer, outrepasser. Pire encore: romantiser.

Ce qui peut être considéré comme profondément humain n'en est pas moins inquiétant. Surtout quand des représentants de la justice se font emporter par la vague romanesque au point d'en dire trop, trop tôt, trop vite, trop longuement. Jeudi, le procureur de la République de Mont-de-Marsan, Olivier Janson, a tout déballé, pendant nonante interminables minutes. La durée moyenne d'une fiction.

Dans son timbre, on pouvait presque sentir le trac de l'artiste, face à un public assoiffé de détails. Et des détails, il en donnera, Olivier Janson. L'attitude en a surpris plus d'un. De l'entourage professionnel de Kendji Girac, à des internautes pourtant jamais les derniers à ouvrir les vannes, et enfin son pote Vianney.

Vianney a tort. La presse-people, c'était au temps de Faites entrer l'accusé. Avec ce fait divers dramatique, dont on ne connaît de loin pas tous les détails, le procureur a réveillé les scénaristes. Et la fiction est sur la table. En 2024, les personnalités doivent comprendre qu'en se levant le matin, elles écrivent déjà leur biopic. Ceux qui s'inquiètent du temps de la justice face à celui des réseaux sociaux sont peut-être en deçà de la réalité.

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