LE GRAND THéâTRE REçOIT UNE LéGENDE DE LA TECHNO

Vendredi 10 mai, le musicien de Détroit Jeff Mills, 60 ans, conviera machines, claviers et flûtes sur la scène de l’institution lyrique à l’invitation du festival Electron.

Jeff Mills est une légende. Soixante ans d’une vie américaine pour le natif de Détroit. Une réputation immense pour avoir forgé avec ses pairs dans les années 80 les fondations de la musique techno. De Jeff Mills, cependant, on entendrait presque la voix nous suggérer que, non, s’il existe un quelconque objet mythique, alors celui-ci a des boutons et un câble d’alimentation. C’est une boîte à rythme, modèle TR 909, avec laquelle le Nord-Américain a construit sa carrière de musicien, des quartiers paupérisés de la «Motor City» ravagée par la crise jusqu’au Trésor, célèbre club berlinois des années 90, et aujourd’hui encore.

Flot de synthétiseurs

On connaît le festival Electron pour sa programmation éclairée, ses jolis coups événementiels également. La 21e édition n’y manquera pas. Pour le volet pointu, voir l’expo dans la galerie genevoise Polomarco jusqu’au 12 mai, où se raconte en photos l’histoire de la scène de Détroit. Pour les fastes à présent, on se rendra vendredi 10 mai au Grand Théâtre. Cette nuit-là, les salons de l’institution lyrique se transformeront en dancefloor pour une nouvelle «Late Night». Surtout, plus tôt dans la soirée débarquera Jeff Mills. Non pas pour un DJ set mais un concert. En trio, avec percussions, synthétiseurs, claviers et flûtes, Jean Phi Dary et Rasheeda Ali à ses côtés.

Bel équipage pour jouer «Tomorrow Comes The Harvest», répertoire conçu en 2018 avec le batteur nigérian Tony Allen, figure de l’afrobeat. Disparu en 2020, Allen laissait le projet en friche, avant que Jeff Mills ne trouve de nouveaux compagnons. C’est cette formule revisitée que le public découvrira là où d’ordinaire se jouent les opéras. On sera assis, pour une musique a priori plus planante que trépidante, étiquetée «afro funk electro jazz». Si le terme évoque quoi que ce soit de précis... Où les quatre temps marqués de la techno, musique nourrie des rythmiques africaines et de l’électronique européenne, participent d’une hybridation qu’on dira onirique, voire cosmique.

Jeff Mills, comme ses compères des années 80, Mike Banks, Juan Atkins, Kevin Saunderson, Derrick May, s’intéresse à la science-fiction. La NASA lui commande un jour des sons pour un podcast? Parfaitement dans l’esprit de Jeff Mills, alias «The Wizard», le sorcier. «L’espace a toujours eu un rôle important dans cette musique constituée de ce qu’on a longtemps qualifié de sons futuristes. Alors quoi de mieux que les voitures volantes pour références!» La parole à Calvin Grosvernier, 24 ans, programmateur assistant d’Electron, ancien du Zoo de l’Usine, qui connaît par cœur cette chronologie née des marges, dans les milieux afro-américains pauvres, gays – inclusifs, le terme n’est pas usurpé.

Dans les années 80, il fallait de la résistance. Et de la fête comme exutoire, sentiment qui persiste dans les raves, dans les clubs aujourd’hui encore. «Cette musique est parfois militante, nécessairement politique en ce qu’elle se revendique d’un contre-courant», ajoute Calvin Grosvernier. Certes, le cadre a changé, on va désormais en festival pour consommer de la «techno TikTok», commerciale. Pourtant, note le programmateur, «c’est en découvrant l’électronique avec David Guetta que je me suis intéressé à des musiques plus pointues. En style, en déclinaisons, la techno est aussi vaste que le rock.»

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