LES TROLLS, DES CRéATURES VRAIMENT DRôLES (DE LOIN)

Dérivée de la série «Lanfeust de Troy», celle sur ces êtres capables de vous croquer tout cru doit beaucoup à Astérix.

Créée en 1994 par Arleston et Tarquin, la série d'heroïc fantasy humoristique «Lanfeust de Troy» a été un énorme succès. Qui a donné naissance à d'autres séries dérivées, dont «Trolls de Troy». Cette dernière, née en 1997, a également conquis le public puisqu'à ce jour, 26 tomes sont parus.

Elle raconte la vie d'un village de Trolls, grandes créatures poilues qui mangent tout ce qui leur tombe sous les crocs (si c'est de la viande), humains compris, mais qui n'ont qu'une seule peur, l'eau. On est proche de l'esprit d'Astérix, avec au début de chaque album, la présentation des personnages, comme pour le petit Gaulois. Et Arleston s'en donne à cœur joie avec les jeux de mots, jouant avec «troll» pour avoir des héros au nom de Pröfy, Haïgway, ou Teträm. La tribu a en outre la particularité d'avoir adopté bébé une petite humaine, Waha, devenue aussi féroce que les autres.

Chaque album est une réussite, une comédie à l'écriture ciselée, avec aucune baisse de rythme en 26 tomes, un exploit. Le dessinateur Jean-Louis Mourier était à BDFIL avec son coloriste depuis le tome 2, Claude Guth.

Choisi grâce à une dédicace

«L'éditeur voulait une série dérivée de Lanfeust, raconte Jean-Louis Mourier. Je travaillais déjà avec Arleston sur la série «Les feux d'Askell» et j'étais à côté de lui dans un festival. Il présentait aussi «Lanfeust», mais son dessinateur Tarquin n'avait pas pu venir. Un gamin était très triste, car il voulait le dessin d'un troll dans son album. Alors je l'ai fait à la place de Tarquin et cela a plu à Arleston qui m'a proposé de créer «Trolls de Troy» avec lui. J'ai sauté sur l'occasion, d'autant ma série ne fonctionnait pas.»

L'idée de base était de faire une série centrée sur le troll de Lanfeust, Hébus. «Mais je ne voulais pas faire du Tarquin, donc autant développer différemment le récit et parler de trolls dans une histoire avec les ancêtres d'Hébus, 300 ans auparavant. D'autant que mes trolls sont différents graphiquement de ceux de Tarquin.»

Mourier a fait le premier album avec le coloriste de Lanfeust. «Mais cela ne fonctionnait pas, il ne comprenait pas mon dessin. Dès le premier essai avec Claude Guth, que j'avais repéré sur la série «Vauriens», c'était parfait. Et il a eu l'idée de faire en bleu les petits lézards qui servent d'amuse-gueule aux trolls, qu'on a du coup appelé les Sfroumptchs».

«C'est une légende que tu racontes, le coupe Claude Guth. Ce n'est pas moi, c'est le coloriste Yves Lencot qui les a faits bleus dans le tome 1. Mais bref, c'est un bonheur de travailler dans un univers aussi coloré. Pour moi, la couleur ne doit pas jouer un rôle esthétique, mais narratif. Je suis passé au numérique au tome 12, alors ce n'est pas plus rapide, mais c'est bien moins éreintant. Sans l'ordinateur, ce que l'on fait est irréversible, donc il faut une attention de tous les instants.»

Le sosie de Jack Sparrow se fait boulotter

Le dernier tome paru, «La ballade de la mer qui mouille», est d'autant plus coloré qu'il se déroule sous les tropiques, Waha partant à la recherche de son fiancé Pröfy. Avec un pirate grassouillet qui ressemble étrangement (mais en plus rond) au Jack Sparrow de «Pirates des Caraïbes». «Oui, la ressemblance est totalement voulue, avec d'ailleurs les mêmes codes couleurs que dans le film. Nous voulions le présenter grassouillet, puis il maigrissait durant la traversée. Finalement, il diminue bien, mais parce que les trolls en mangent des bouts pour tenir sur le bateau.»

C'est l'un des paradoxes de la série: on rit beaucoup, mais on ne peut s'empêcher de frissonner quand un humain, voire un personnage qui a joué un rôle dans l'album, finit dans la casserole «On ne frissonne pas pour les sangliers d'Astérix», fait remarquer Mourier. Il y a une référence directe au petit Gaulois dans cet album, un marin lançant, quand Pröfy fait éclater ses chaînes, «Il est déchaîné», gag d'«Astérix et les Goths» qu'Obélix ne comprend pas tout de suite.

Un village qui n'est jamais le même

«Il y a d'autres similitudes avec Astérix, dit Mourier, notamment le village troll. Si on regarde attentivement, il n'est jamais le même au fil des albums, pas plus que ne l'est le village des Gaulois.»

Arleston, Mourier et Guth prennent beaucoup de plaisir sur cette série à succès et ne sont pas près d'arrêter. «Jean-Louis est l'un des dessinateurs qui respecte le plus le scénario», constate Claude Guth. «Oui, il n'y a rien à toucher, dit Mourier. Ma liberté, elle est dans la création d'animaux fantastiques, qui apparaissent dans le paysage sans jouer de rôle. Ou c'est moi qui ai fait que les plumes sur le chapeau du chef pirate soient en fait celles d'un singe vivant et rose.»

Si les Gaulois ont leur potion magique, les trolls n'en ont pas besoin, vu leur force naturelle et leur appétit pour le moins féroce. Mais celui qui se régale le plus, c'est le lecteur, dans ce qui constitue l'une des séries les plus drôles de la BD. Alors comme les trolls à table, on en veut encore!

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