PENDANT QUE LES GENS DORMENT, TAYLOR SWIFT S’OCCUPE COMME ELLE PEUT

Hormis son succès invraisemblable, la seule anormalité de la chanteuse tiède consiste à publier ses disques en pleine nuit.

La banalité et ses mystères

Pop C’est quand on roupille du sommeil du juste que frappe Taylor Swift. Cette manie, déjà, de publier des disques «surprises» à 2 h du matin! Et d’y caser 31 chansons! Et d’en lâcher un chaque année, parfois deux, plus les rééditions réenregistrées «selon Taylor» de ses premiers albums. Du chiffre, ça oui, des montagnes de chiffres pour que la presse en troupeau accole chaque geste de la chanteuse américaine au mot «records», trop nombreux pour qu’on les cite – ou s’y intéresse.

Ce qui captive, en revanche, c’est le mystère d’une si parfaite et absolue banalité qui, pourtant, excite comme jamais les foules (deux stades à Zurich sold out en juillet). Sur une membrane électro convenue, Swift chante d’une voix standard des chansons gentilles où aucune ne fait de l’ombre à l’autre ni ne se loge dans l’oreille. Merveilleusement tiède, miraculeusement lisse. Seul le titre du disque de ce fatras fadasse, «The Tortured Poets Departement: The Anthology», approche une forme de génie, certes comique.

«The Tortured Poets Departement: The Anthology», Taylor Swift (Universal)

Tout sur quatre archets mythiques

Classique Il eut un temps, à l’aube des années 1970 et durant la décennie suivante, les États-Unis présentaient aux mélomanes une poignée de formations de chambres dont le niveau n’avait rien à envier au Alban Berg Quartet, au Guarneri et autres confréries européennes. On y croisait notamment le Quatuor Emerson, dissout l’année passée après une carrière glorieuse; les mélomanes suivaient aussi les enregistrements du plus discret Quatuor Orlando. Et puis il y avait les complices de Cleveland, qui ont atteint des sommets et ont décidé de se séparer en 1995, alors que leur aura était au plus haut.

Ce coffret témoigne d’un parcours inscrit d’entrée dans l’excellence, avec ces «Quatuors» de Brahms qui ont planté tout de suite un décor luxuriant et inventif. Plus tard, les perles se sont succédé rapidement: depuis l’intégrale Beethoven jusqu’aux innombrables enregistrements en compagnie de musiciens de carrure mondiale. Il faut réécouter l’incroyable version du «Octuor» de Schubert, par exemple, ou encore le renversant «Quintette» du même compositeur, avec Yo-Yo Ma en appui. Un art grand et sans rides.

Le groove vaincra

Funk Émanation du très suivi groupe américain de fusion Snarky Puppy, Ghost-Note, contrairement à son grand frère, ne s’embarrasse d’aucune velléité potentiellement avant-gardiste. Au troisième opus de cette formation de fous furieux du groove, du slap, du riff bouillant sur trombones portés à blanc, l’orchestre dirigé par le batteur Rupert «Sput» Searight avec son complice en percussions des Snarky, Nate Werth, emmène une dizaine de flambeurs dans les circonvolutions historiques du funk le plus éclatant.

Une sorte de hargne à la tâche qu’on dirait copiée-collée du meilleur Bootsy Collins, tendance «Stretchin’Out (In a Rubber Band)». Ou du tromboniste Fred Wesley, côté sections cuivres enflammé pour James Brown. Comme de juste, d’ailleurs, l’album débute sur une citation des JB’s, le fabuleux orchestre à la solde de feu le «parrain de la soul». Appelons cela un hommage, suffisamment agité et virtuose pour mettre en éruption nos esgourdes.

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