COMMENT ELTON JOHN ET DAVID FURNISH ONT CONSTITUé L'UNE DES PLUS IMPRESSIONNANTES COLLECTION DE PHOTOGRAPHIES

Vanity Fair. D’où est venue l’idée de cette exposition ?

Duncan Forbes. C’est parti d’une discussion avec Elton John et David Furnish. Ils avaient exposé une partie de leur collection au Tate Modern en 2016, avec un focus sur le haut modernisme à travers des clichés datant de 1910 à 1950. Elton John ne voulait pas se répéter, donc c’était logique pour lui de reprendre là où il s’était arrêté. Nous explorons un pan plus large de l’histoire, mis en parallèle avec la carrière d’Elton John, et mettons en lumière davantage de photographies contemporaines. Même si l’exposition est ancrée dans un cadre, elle a un point de vue plus personnel. L’une des questions intéressantes - laissée à la réflexion de chacun - est « que nous révèle cette exposition des collectionneurs eux-mêmes ? »

Comment est née leur passion pour la photographie ?

Elton John s’est sérieusement intéressé à la photographie à sa sortie de centre de désintoxication en 1990. Il a remplacé une décennie d’addiction par une quête moins autodestructrice. C’est l’une des passions qui les a réunis avec David Furnish. Dans le catalogue, ils se rappellent en avoir discuté lors de leur premier rencard. Il est impossible de résumer leurs goûts sans être simpliste. L’exposition révèle des sensibilités multiples et complexes, et ils sont assez intelligents pour comprendre qu’un cliché convoque plusieurs idées et émotions en même temps. Mais le titre de l’exposition, « Fragile Beauty » (Beauté fragile), est sans doute un bon indice. Il a été choisi par Elton John, comme indicateur que l’art naît autant des luttes que des vulnérabilités, une idée chère à son cœur. Ce concept très puissant - à la fois sur la forme et le contenu, la narration et l’émotion - guide leur instinct de collectionneurs.

Elton John et David Furnish sont des collectionneurs passionnés et tenaces. Quelles ont été les pièces les plus difficiles à acquérir ?

Le cliché Exasperated Boy with Toy Hand Grenade (NYC, 1963) de Diane Arbus a été l’un des plus longs à obtenir. Ils voulaient un tirage vintage - pas fait de manière posthume - et dans les meilleures conditions possibles. Elton John a mis la main dessus juste avant le COVID. Voir l’expression anxieuse et tendue de ce jeune garçon sur son mur, durant ces temps incertains, collait parfaitement à l’ambiance du début de la pandémie.

Mais rechercher des clichés de photo-journalistes est souvent ce qui prend le plus de temps. Quand Elton John repère une image dans un journal ou en ligne, son curateur, Newell Harbin, fait les démarches pour l’acquérir. Les photo-journalistes sont surpris qu'Elton John et David Furnish connaissent leur travail, et veuillent l’ajouter à leur collection. C’est différent de l’acquisition d’un tirage de galerie : ils n’ont pas de labo ou de studio à proximité. La plupart du temps, ils sont sur le terrain. Il faut parfois un an avant d'obtenir le cliché.

Comment se démontre leur attachement émotionnel à ces photos ?

Ils expriment cet attachement à travers leur collection et des expositions… Mais aussi aux anniversaires. Chaque année, ils s'offrent une photographie en guise de cadeau. « Fragile Beauty » contient de nombreux exemples de présents. La série d’autoportraits nus de Peter Hujar, réalisée dans l’atelier de Richard Avedon, a été offerte par David Furnish à Elton John pour son 70e anniversaire. À l’époque, Elton John composait sa collection de clichés de Peter Hujar et cherchait sans cesse ses œuvres-clés. David Furnish et Newell Harbin avaient repéré ces autoportraits, et le reste a été un jeu d’enfant.

Elton John a également trouvé des pièces importantes pour David Furnish. Récemment, il lui a offert un collage de Wardell Milan - affiché dans la dernière partie de l’exposition. Milan est un talentueux artiste afro-américain, originaire du Sud, qui ne fait pas seulement de la peinture et de la photographie. Il utilise des collages d’artistes célèbres comme Robert Mapplethorpe et Diane Arbus. Quand Elton John a vu le jardin fantastique de Here the mysterious host – raised in the South, now based in the North, il a su que David Furnish reconnaîtrait les figures de Mapplethorpe et serait impressionné par le regard innovateur de Milan sur les pâturages.

L’exposition regroupe une multitude de thèmes, de styles et d’artistes. Comment avez-vous défini un fil commun ?

Il était important que l’exposition reste très proche de la vision des collectionneurs. Cela nous a beaucoup aidés qu'Elton John et David Furnish nous ouvrent les portes de leur domicile. Nous avons vu comment ils vivaient au quotidien avec leurs photographies - ce qui nous a permis de donner un sens à cette collection. Les thèmes de l’exposition sont donc inspirés de leurs centres d’intérêt. Mais en même temps, nous devions rendre cette collection privée exubérante accessible au grand public, donner une forme à l'ensemble. Nous avons travaillé très dur avec les designers pour créer un cheminement émotionnel, pour que chaque pièce offre une expérience différente. Elton John et David Furnish ont été d’un grand soutien et ont été attentifs à nos idées, malgré leurs emplois du temps chargés. Cette idée de beauté fragile est le filament qui relie l’exposition.

Fragile Beauty, jusqu'au 5 janvier au Victoria and Albert Museum à Londres.

2024-06-11T06:33:36Z dg43tfdfdgfd