A LA BIENNALE DE VENISE, EVA JOSPIN INSTALLE SA FORêT MYSTéRIEUSE

La 60e Biennale de Venise a judicieusement nommé cette édition 2024 “Foreigners everywhere”, thème autrement d’actualité et qui revient au geste premier de tout artiste : exprimer l’état du monde. Quatre-vingt-dix nationalités sont invitées dans la Sérénissime pour raconter l'altérité. Parmi la très riche programmation, un lieu en parfait accord avec le thème, le merveilleux Palazzo Pesaro degli Orfei, fief de Mariano Fortuny, né à Grenade, devenu romanesque citoyen vénitien. Dans ce palais gothique et rêveur, on trouve toute l’imagination folle de ce peintre, photographe, sculpteur, architecte, scénographe… Et bien sûr couturier. Et l’on peut admirer ses robes aux milles plis d’or qui ont fasciné Marcel Proust pour leur mystérieuse sensualité. Ce lieu exceptionnel accueille Eva Jospin et son paysage onirique, Selva (forêt), comme une promenade parmi de grands panneaux, tableaux brodés qui représentent ses bois imaginaires, un petit théâtre défilant, “inspiré par les transparents de Carmontelle, explique l’artiste. C’est en voyant les maquettes de Fortuny que j’ai pensé à reprendre ce système avec la forêt, les cascades, les nymphées, les grottes, bref toutes mes obsessions.”

Selva, la forêt mystérieuse d'Eva Jospin

Au bout du parcours on arrive dans l’antre d’une sorte de frondaison figée, très impressionnante, intégralement composée de carton, l’une des matières favorites d’Eva Jospin : “La galleria veut dire un tunnel, un passage, une galerie… mon goût pour les architectures troglodytes. On entre dans une espèce de forêt. Comme les passages couverts dans Paris, ou la magnifique Galleria Vittorio Emanuele à Milan dont je reprends le plafond à caisson, qu’on retrouve souvent depuis la Grèce antique jusqu'à la Gare d'Orsay ou l'Hôtel de la Monnaie à Paris. Ces codes architecturaux se déplacent d’un siècle à l'autre, d’un endroit à l’autre, traversent les continents. C’est un mécano de formes toujours recomposées et renouvelées et j’aime les utiliser.”

Un écrin pour Miss Dior

En marge de l’exposition, l'artiste a aussi présenté une édition spéciale pour la maison Dior, une petite malle, écrin rare pour le flacon Miss Dior, produit à 150 exemplaires, un jardin brodé avec le concours des ateliers indiens Chanakya de Mumbai qui travaille régulièrement avec Maria Grazia Chiuri, et où le programme de la Chanakya School of Craft, fondée en 2017, aide et accompagne les femmes indiennes, en leur inculquant les techniques traditionnelles de broderies à la main. Grâce à cet apprentissage, elles acquièrent un statut de maître artisan ainsi qu’une nouvelle autonomie dans les communautés locales.

Eva Jospin, avait déjà collaboré avec Dior (également partenaire de l’exposition à Venise), notamment pour le défilé Couture Automne-Hiver 2021 avec La Chambre de soie, immense tapisserie brodée qui accompagnait le set. Ici, il fallait tout revoir en miniature. “La contrainte, inédite pour moi, de travailler sur un objet de petite taille s’est révélée être un défi stimulant, explique Eva Jospin. Mon point de départ a été une broderie florale que j’avais déjà réalisée pour Miss Dior et qui est actuellement exposée dans la Galerie Dior du 30, Montaigne. Le but était de parvenir à la réduire sur les quelques centimètres du nœud du flacon, d’en exprimer toute son essence. Le motif de branches et de fleurs vives que j’avais imaginé est parvenu à se déployer sur à peine quelques centimètres d’organza clair. La mallette a également été pensée comme un jardin enchanteur.” Du plus grand au plus petit, la Selva d’Eva Jospin est une féerie.

*Eva Jospin, Selva, au Museo Fortuny, jusqu’au 24 novembre 2024, à Venise.

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